De janvier à avril, nous n'avons eu dans le ciel que des changements graduels de
plus en plus notables. Avec mai, un renversement presque complet s'est accompli.
Si nous regardons le ciel du Nord, la Grande Ourse, qui traînait alors sur l'horizon,
atteint maintenant notre zénith, tandis que Persée, que frôlait le zénith, se perd
aujourd'hui à l'horizon du Nord. Dans le ciel du Sud, la transformation est plus
complète encore. De tout ce qui illuminait nos soirs, et notamment des constellations
du zodiaque, Verseau, Poissons, Bélier, Taureau ont disparu. Disparus aussi l'Eridan,
Orion, ou du moins d'Orion il ne reste que Bételgeuse et Lambda, tout à fait au couchant,
déjà dans la partie septentrionale du ciel, ainsi que les Gémeaux au-dessus d'elles.
La Voie lactée, naguère verticale, est entièrement couchée sur l'horizon nord.
Reprenons donc l'examen du ciel actuel par la Grande Ourse. Elle est au-dessus de
nos têtes, la quelle tournée vers l'est. Cette position fait de son observation un
vrai casse-cou, mais ce que l'on perd en commodité, on le gagne en pureté du ciel.
Peut-être pourra-t-on voir à l'oeil nu, ou tout au moins à la jumelle, Alcor, le
petit compagnon de Mizar, appelée aussi Dzêta, c'est-à-dire de la sixième étoile
de la constellation, l'avant-dernière de la queue; ces deux étoiles paraissent appartenir
à un même système. Mais, examinée au télescope, Alcor s'éloigne beaucoup de Mizar,
et celle-ci, par contre, se révèle avec un second compagnon, qui apparaît aussi rapproché
d'elle qu'Alcor le semble à la lunette.
De la Grande Ourse, il faut toujours se reporter sur la Polaire, que l'on retrouve,
comme on sait, en prolongeant sur la gauche (actuellement vers le Nord) l'alignement
formé par les deux étoiles de tête. Cette étoile est aussi double; et son compagnon
fait sa révolution en beaucoup moins de temps que celui de Mizar, en 7200 ans, mais
il est tout petit et beaucoup plus difficile à distinguer. Comme nous l'avons déjà
dit, la Polaire ne marque pas encore exactement le Pôle, elle en est actuellement
distante de plus d'un degré, mais, par suite du mouvement de toupie que fait notre
globe en tournant sur lui-même, c'est-à-dire par suite du déplacement de son axe
dans l'espace (la précession des équinoxes), le prolongement de cet axe se rapprochera
de l'étoile jusqu'en l'an 2105, et alors la Polaire sera presque exactement au-dessus
du pôle. Encore un peu moins de cent ans à attendre! Puis elle s'éloignera. La Polaire
termine la queue de la Petite Ourse, dont la tête se redresse vers le zénith à la
suite de la Grande.
Dans la constellation du Dragon, qui se recourbe entre elles deux, enveloppe la Petite
et dont la têle se retourne vers l'est, nous signalerons deux nouvelles choses :
d'abord au-dessus de Bêta l'étoile Gamma qui est double et se dédouble aisément à
l'oeil nu ou avec une petite jumelle; puis auprès d'Omega, sur l'alignement de Bêta
à la Polaire, une nébuleuse planétaire, NGC 6543 (plus connue sous le nom d'Oeil
de Chat), qui marque le pôle nord de l'écliptique, c'est-à-dire le point du ciel
où passerait la perpendiculaire élevée au milieu du plan de l'écliptique, dans lequel
se fait notre mouvement de révolution annuel autour du Soleil. Car, si l'axe de notre
globe était perpendiculaire au plan dans lequel il circule, le pôle de l'écliptique
se trouverait juste au-dessus du pôle terrestre, les deux parallèles se rencontrant
à l'infini; mais, comme l'axe de la Terre est penché, il fait forcément un angle
avec la perpendiculaire élevée sur ce plan et les deux côtés de cet angle percent
nécessairement la voûte céleste en deux points différents. De ces deux points, l'un
avoisine la Polaire, l'autre Omega du Dragon.
Nous avons appelé Bêta un des yeux du Dragon; Gamma formera le le second. Le monstre
regarde toujours la constellation d'Hercule, maintenant vers l'est. Comme nous l'avons
dit, en avril, c'est vers cette constellation que le Soleil est emporté, et avec
lui tout son système de planètes, Mercure, Vénus, la Terre avec la Lune, Mars, Jupiter
et Saturne avec leurs satellites, jusqu'à Uranus et Neptune et les centaines ou milliers
d'astéroïdes et de comètes, etc. L'une des plus remarquables étoiles de ce groupe
est Dzêta, qui est double, et dont les composantes gravitent en trente-quatre ans
et demi.
Au-dessous d'Hercule, la Lyre, qui réapparaissait le mois dernier après une courte
disparition sous l'horizon, s'élève de plus en plus vers l'est. Véga y brille d'un
des plus beaux éclats du ciel, éclat d'une incomparable blancheur. Par suite du mouvement
de toupie de la Terre, dont nous parlions tout à l'heure, Véga était, il y a quatorze
mille ans, et reviendra dans douze mille sur le prolongement de notre axe. Elle a
été, elle redeviendra notre étoile polaire, alors que celle, presque immobile aujourd'hui,
à laquelle nous donnons actuellement ce nom, décrira le grand circuit que décrit
maintenant Véga.
Au-dessous de la Lyre, à l'horizon nord-est, nous apercevons couchée la grande croix
formée par le Cygne. Le long cou du volatile se tend vers l'est, l'une de ses ailes
déployée dans la direction du Dragon, entre la Lyre et Céphée. Tout à fait à l'Est,
c'est une aile de l'Aigle qui se montre hors de l'horizon. En plein nord au contraire,
c'est Cassiopée, dont la forme de W s'affirme de plus en plus, agrandie par un effet
d'optique comme tous les corps célestes voisins de l'horizon. En dessous d'elles,
dans les brumes, nous n'entreverrons plus qu'un pied d'Andromède et, à gauche de
Cassiopée, à la même hauteur, Persée qui la poursuit, bien que semé par Pégase, qui
est déjà loin. Plus à gauche encore, au Nord-Ouest maintenant, mais toujours un peu
au-dessus de l'horizon, deux étoiles marquent encore les pointes des cornes du Taureau,
dont la tête a disparu. Celle de droite forme encore bien visiblement le pentagone
avec quatre étoiles du Cocher, dont Capella (la Chèvre), que nous retrouvons encore
par un autre moyen, en prolongeant l'alignement légèrement curviligne formé par les
étoiles Alpha, Delta, Epsilon et Dzêta de la Grande Ourse.
A l'Ouest, où les Pléiades, Aldébaran, Orion presque entier et le Grand Chien ont
disparu, on devine encore Bételgeuse et, au-dessus, les Gémeaux, avec Castor et Pollux,
cette fois bien droits sur leurs pieds. Et tout cet alignement est allongé de l'est
à l'ouest sur l'horizon nord (Aigle, Cygne, Cassiopée, Persée, Cocher, cornes du
Taureau, Pieds des Gémeaux, Epaule d'Orion, Procyon (Petit Chien) même sur la carte
Sud), tout cela jalonne magnifiquement la Voie lactée, dont la partie orientale va
se relever peu à peu à mesure que l'autre s'enfoncera.
Plus au Sud, nous retrouvons Procyon très voisin de l'ouest, où il va se coucher,
puis, vers le sud-ouest, un vaste espace presque désert, où AIphard, de l'Hydre,
brille presque seul d'un assez vif éclat et où le Cancer, formé de petites étoiles,
tournant le dos aux Gémeaux, ouvre ses pinces menaçantes vers le Lion. Celui-ci,
toujours majestueux, descend, la tête haute, les pattes de devant allongées vers
l'Hydre, la croupe au méridien.
La Vierge aborde en ce moment le méridien. On se rappelle comment on la retrouve
aisément : en prolongeant la queue de la Grande Ourse d'une longueur égale à celle
du groupe des sept étoiles, on trouve la belle étoile du Bouvier : Arcturus; et en
continuant d'une même quantité cet alignement légèrement curviligne, on rencontre
vers le Sud une étoile également fort éclatante. C'est l'Epi (Spica) de la Vierge.
Entre l'Epi et Denebola (queue du Lion) cinq étoiles en angle droit simulent assez
bien un fléau prêt à battre l'épi. Cette Vierge a tout l'air d'une moissonneuse.
En haut, vers le zénith, au-dessus de nos têtes, nous avons la Chevelure de Bérénice
et les Chiens de Chasse qui avoisinent la Grande Ourse, et, de là, en descendant
vers l'Est, en dessous d'Arcturus, de la constellation du Bouvier, nous retrouvons
la Couronne Boréale avec son étoile principale, la Perle (Gemma). Assez bas, le Serpent
nous apparaît à peu près entier pour la première fois. On voit, en effet, au-dessous
de la Couronne, une ligne très sinueuse de sept étoiles, dont une de deuxième magnitude,
les autres de troisième. Il semblerait a priori que c'est tout cet ensemble qui devrait
constituer le Serpent. Ce n'est qu'à peu près vrai. Par une de ces bizarreries si
fréquentes dans le partage des constellations, les deux plus boréales étoiles de
cette sinuosité appartiennent à Hercule, dont le gros est assez éloigné dans notre
ciel du nord. Les cinq autres seules constituent le Serpent. Leur alignement se prolonge
tout droit et vertical par quatre autres étoiles de même grandeur, dont deux très
rapprochées l'une de l'autre. C'est ce qu'on appelle le Serpentaire, en grec Ophiuchus,
celui qui tient le Serpent dans ses mains. Nous le verrons mieux quand il sera tout
à fait levé.
En même temps que lui, surgissent, au sud-est, la Balance et le Scorpion, formés
de belles étoiles. Ce sont encore deux nouvelles fractions du zodiaque, dont la courbe,
à présent visible, comprend, en outre, le Taureau, les Gémeaux, le Lion et la Vierge.
A l'horizon sud disparaissent vers l'Ouest la Poupe et la Machine pneumatique, que
nous avons à peine entrevus et se soulève le Centaure, qui, après une courte apparition,
se replongera sous la Terre. C'est pourtant là que se trouvent les deux étoiles les
plus proches de nous : Alpha Centauri et Proxima. (G Armelin).
Principaux objets célestes en évidence pour l'observation en mai
Les Chiens de Chasse sont trop hauts pour être observables dans une lunette; mais
bien placés pour le télescope. On peut y voir l'étoile Alpha (le Coeur de Charles
ou Cor Caroli), un superbe couple dont une composante est jaune d'or et l'autre Lilas.
L'étoile 2 est également double (beau couple jaune d'or et azur). A remarquer aussi,
un amas globulaire, M 3, et plusieurs galaxies, la principale étant M 51 (galaxie
des Chiens de Chasse), magnifique spirale vue de face. Trois autres galaxies de cette
constellation appartiennent au catalogue de Messier : M 94, M 106 et M 63.
Dans la Chevelure de Bérénice, l'étoile double 24, l'amas globulaire M 53, les galaxies
: M 64, M 85, M 88, etc…
La constellation du Lion contient plusieurs étoiles doubles intéressantes, certaines
très écartées comme Régulus, son étoile la plus brillante, Bêta (Denebola), dans
un champ stellaire très curieux, Gamma (Algieba), dont la composante principale est
elle-même une binaire physique belle et brillante, et Dzêta (Adhafera). On peut également
observer dans cette constellation plusieurs galaxies : le triplet du Lion est formé
par M 65, M 66 et NGC 3628, vue par la tranche; Au dessous de la ligne qui relie
Coxa à Regulus, on a M 105, M 95 et M 96.
Sous le Lion, la constellation du Sextant contient aussi plusieurs galaxies : la
galaxie du Fuseau (NGC 3115) et NGC 3166, qui est la principale d'un petit groupe
de galaxies.
L'amas ouvert du Cancer (M 44). Les doubles Thêta, Iota et Dzêta.
La constellation du Bouvier est dominée par la géante rouge (qui apparaît de couleur
orangée) Arcturus, une des plus belles étoiles du ciel boréal, mais on peut y trouver
aussi plusieurs étoiles doubles intéressantes à observer : Epsilon (Izar), jaune
d'or et bleu, surnommée Pulcherrima; Pi, un couple charmant; Xi, jaunes rougeâtres;
Eta (Mufrid) est triple; Dzêta forme un système serré et difficile à séparer. A noter
aussi deux galaxies spirales dans la partie méridionale de la constellation : NGC
5600 et NGC 5248.
Vierge : Gamma; 54; 17; galaxies de l'amas de la Vierge.
Hydre : Epsilon et 54. La variable R.
Couronne boréale : Dzêta et Sigma.
Hercule : Kappa, Rhô, 95, Delta. L'amas globulaire d'Hercule (M 13), l'un des plus
beaux du ciel.
Delta du Serpent. - Dragon : Nu, Psi, Omicron.
14 du Cocher. L'amas M 37. - Polaire, dans la Petite Ourse.
Doubles 7 (la secondaire est cendre mouillée) et la triple 230 de la Girafe (SAO
2102 ou Struve 1694), et, dans la même constellation, la galaxie NGC 2403 et l'amas
ouvert NGC 1502.
Rouge Mu (Erakis) de Céphée; variable et double Delta, Bêta, Omicron et Xi. - Castor,
dans les Gémeaux, une dernière fois.(C. F.).
Parmi les essaims d'étoiles filantes actifs en mai, on note : les Eta-Aquarides (en
provenance de la direction du Verseau), actives entre le 24 avril et le 20 mai (maximum
les 4 et 5 mai), qui sont provoquées par l'entrée dans l'atmosphère terrestre de
poussières issues de la comète de Halley; les Piscides, sont un essaim diurne actif
du 6 au 10 mai (maximum le 8); enfin, on donne le nom d'Alpha-Scorpiides a une activité
d'étoiles filantes observée entre le 29 avril et le 13 mai, puis du 1er au 17 juin
(peut-être deux essaims distincts ou bien deux courants d'un même essaim). (C.F.).